Act your wage : Quel est ce phénomène et comment réagir ?

« Fait ce pour quoi tu es payé.e »

« Act your wage » est une tendance qui consiste à rejeter tout effort qui va au-delà de ce qui est prévu dans la description de poste. Cette expression est issue des réseaux sociaux, qui l’ont largement relayée fin 2022. Mais au-delà du phénomène TikTok, il s’agit bel et bien d’une réalité difficile à appréhender pour les employeurs.

Concrètement, les salariés concernés commencent par passer en revue leur fiche de poste pour la comparer à la réalité de leur travail. S’ils considèrent qu’ils fournissent plus d’effort que ce qui était prévu et que leur salaire n’est pas à la hauteur de ce qu’ils font réellement, ils se mettent à réduire leur investissement. Ils veillent à tenir leurs engagements contractuels, mais refusent les efforts supplémentaires.

Ce qui est à l’origine de ce comportement, c’est une perception négative de la relation employeur/employé. Les collaborateurs qui adoptent ce type de comportement ressentent un déséquilibre entre leur travail et leurs revenus. Derrière ce ressenti, il peut y avoir un sentiment d’injustice ou un manque de reconnaissance.

« Nous allons continuer d’agir en accord avec notre rémunération jusqu’à ce que vous preniez soin de vos employés et que vous nous traitiez de manière juste et équitable »

À la différence de la démission silencieuse (Quiet Quitting), les collaborateurs concernés sont prêts à s’investir davantage s’ils perçoivent un rééquilibrage de la relation : il n’y a pas nécessairement de perte du sens au travail. Act your wage est en fait une forme de protestation, un signal envoyé au manager.

Ce mouvement est aujourd’hui porté par les jeunes, mais il est loin d’être nouveau. Ce qui change, c’est que le déséquilibre entre les offres et les demandes d’emploi est plus favorable aux employés. Ils hésitent donc moins à affirmer leurs limites !

Les réseaux sociaux donnent aussi plus de visibilité au phénomène et l’amplifient chez les plus jeunes, plus réceptifs aux influenceurs. Mais toutes les classes d’âge sont potentiellement concernées.

Cette situation pose évidemment de sérieux problèmes d’organisation : toutes les tâches nécessaires au bon fonctionnement d’un service ne sont pas référencées dans les fiches de poste. Et chaque jour comporte son lot d’événements imprévus qui nécessitent une adaptation individuelle.

La qualité des relations peut aussi en pâtir. Si chacun campe sur ses positions, cela aboutit à un climat de confrontation, négatif pour les deux parties. Et qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur le reste de l’équipe…

Comment faire face à ce type de situation ?

La communication

Tout commence par la communication : écouter, accueillir le point de vue du collaborateur et permettre à chacun de partager ses perceptions. Mais cela ne fonctionne que si le manager fait réellement un effort d’écoute active et suspend son jugement. L’objectif n’est pas d’imposer son point de vue, mais d’écouter le collaborateur.

Dès que le comportement du collaborateur commence à être rigide, défensif, il ne faut pas hésiter à engager le dialogue. Mais un dialogue assertif, fait d’écoute et de respect mutuels ! Le manager doit donner au collaborateur l’occasion de s’exprimer sur son poste et sur ses aspirations personnelles. Il doit aussi lui montrer une voie de communication plus appropriée, l’inviter à s’exprimer, y compris sur ses ressentis. C’est ce que Will Schutz appelait l’ouverture dans son ouvrage L’Élément Humain (InterEditions). Pour cela, la confiance doit s’installer. Cela passe par une écoute sincère, un non-jugement et le maintien d’un dialogue constant, par exemple à l’aide de rituels en face-à-face réguliers.

La transparence

L’opacité des systèmes de rémunération et de reconnaissance est souvent à l’origine de ce type de situation. Tout le monde gagnerait à les rendre clairs et transparents, mais c’est pourtant rarement le cas !

Sur quelle base les salaires sont-ils déterminés ? Qu’est-ce que l’entreprise souhaite favoriser et valoriser ? Comment sont évalués les compétences, les efforts et les résultats ? Il n’existe pas de système parfait, mais lorsque les critères de rémunération ou de prime sont flous, inéquitables ou reposent sur des critères trop subjectifs, ils ne manquent pas de créer des tensions.

La reconnaissance

La reconnaissance au travail commence par l’installation d’une relation saine entre manager et collaborateur. Prendre le temps de dire bonjour, demander comment il ou elle se sent, prendre des nouvelles des proches, suivre l’évolution des projets, impliquer, questionner, faire réagir et, à nouveau, écouter. C’est une façon de reconnaître la personne en elle-même, de manière inconditionnelle, c’est-à-dire indépendamment de son travail.

Vient ensuite la reconnaissance des compétences, des efforts et des résultats, qui n’est pas nécessairement pécuniaire. Elle peut être symbolique, verbale, individuelle ou collective. Lorsqu’elle prend la forme d’une évolution dans les responsabilités, dans le contenu du travail ou dans la rémunération, il est important d’encadrer cette évolution via un plan de progrès. Des objectifs doivent être définis de façon concertée et bien sûr assortis à un accompagnement managérial adapté.

La négociation

Ne pas être d’accord, ce n’est pas un drame. Mais camper sur ses positions de manière rigide, c’est le plus court chemin vers le conflit ! Là encore, l’écoute est nécessaire. Car le premier enjeu est que chacun comprenne l’intérêt de l’autre. Cela implique un dialogue ouvert et assertif.

L’assertivité, c’est précisément l’aptitude à défendre ses intérêts sans agressivité. Il s’agit d’une compétence-clé que tout manager doit posséder pour négocier de manière efficace, c’est à dire en tenant compte des intérêts de chaque partie. Il faudra ensuite trouver la bonne méthode pour résoudre les problèmes légitimes de chacun.

Ce qu’il faut retenir, c’est que les collaborateurs utilisent de multiples modes de communication. Ils peuvent envoyer des messages non verbaux, au travers de leur comportements comme celui lié à cette tendance Act your wage. Il appartient aux managers de les détecter et d’ouvrir la discussion. Mieux : d’adopter des pratiques qui évitent ce type de situation !

Les compétences à développer :

– Assertivité
– Négociation basée sur les intérêts
– Reconnaissance au travail